Longtemps confié aux soins exclusifs des experts, l’enseignement élémentaire fait assez brutalement irruption dans le débat public à partir de 2005. En peu d’années, ce dernier s’empare de trois séries de données auxquelles seuls jusque-là quelques chercheurs faisaient référence, bien qu’elles aient été publiées par le ministère de l’éducation nationale :
Les plus souvent citées concernent l’efficacité de cet enseignement, que tout porte à juger médiocre : seul un tiers des élèves entrant au collège ont atteint les objectifs définis par les programmes ; à l’autre pôle 15 à 20% d’entre eux, et leur nombre est en augmentation depuis quinze ans, ont tiré un profit particulièrement modeste de l’école primaire (Voir Note d’information n° 08.38, Ministère de l’éducation nationale) (ces données convergeant totalement avec le résultat de l’enquête internationale PISA 2009 qui estime à 20% la proportion des jeunes Français de quinze ans sortant de l’école « en grande difficulté de compréhension de l’écrit »). Entre ces deux groupes d’élèves, près d’une moitié de jeunes ont effectué un parcours mal assuré, voire franchement chaotique, qui les a menés, à leur corps le plus souvent défendant, vers les voies moins valorisées de l’enseignement professionnel ou technologique.
La seconde série de données souligne l’impact considérable de la scolarité élémentaire pour toute la suite du parcours : au point qu’une fois entré au collège, le destin d’un élève dépend bien davantage de la façon dont s’est déroulée sa scolarité primaire que de son origine sociale. Un enfant d’ouvrier qui a bien réussi les apprentissages élémentaires a quasiment les mêmes chances pour la suite qu’un enfant de cadre dans la même situation ; et les destins sont également très comparables si l’un et l’autre sont, à l’inverse, passés très à côté de ces apprentissages.
D’autres données enfin concernent l’évolution des écarts cognitifs au long de la scolarité élémentaire. Elles indiquent notamment qu’entre l’entrée au CP et la sortie du CM2, l’écart entre les performances moyennes d’un enfant de cadre et celles d’un enfant d’ouvrier est multiplié par deux (voir Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, « Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution », France, portrait social, INSEE, 2006).
Le constat du rendement pédagogique limité de l’école élémentaire peut conduire à deux conclusions très différentes.
Dans un premier cas de figure, on se convainc du caractère inévitable d’un fort taux d’échec dans l’acquisition du lire-écrire-compter, qui semble d’ailleurs confirmé par son apparente incompressibilité depuis des décennies, malgré la batterie des mesures de remédiation qui ont pu être mises en place. On se laissera dès lors aisément séduire par l’objectif de doter les élèves en difficulté d’un « socle commun de connaissances et de compétences » censé faciliter leur insertion sur le marché du travail.
C’est là cependant une façon d’habiller les inégalités scolaires qui les rend peut-être plus présentables, mais qui intéresse surtout le contrôle patronal du marché de l’emploi peu qualifié. On peut refuser cette solution, et c’est un second cas de figure, en prenant en considération les exigences du développement démocratique d’une société hyper technicisée, lequel suppose en effet une élévation massive de la culture générale et technologique des jeunes générations ; en s’attachant également à répondre à la demande des familles, qui aspirent dans tous les milieux sociaux aux études supérieures pour leurs enfants ; et en s’appuyant enfin sur la conviction, étayée par la recherche, que tout enfant entré normalement dans le langage doit pouvoir entrer tout aussi normalement dans la culture écrite.
Cette seconde perspective est celle qu’a adoptée le GRDS. La question de l’efficacité des apprentissages élémentaires acquiert ici une importance décisive. Leur réussite a un impact absolument crucial en effet sur toute la suite de la scolarité. Au point que se résoudre à leur faible efficacité actuelle reviendrait à abandonner toute espérance démocratique. Il n’y a pas d’autre voie que d’entreprendre leur réexamen à nouveaux frais, en tenant compte de l’échec avéré des types de remédiations mis en œuvre au long des dernières décennies.
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