lundi 30 décembre 2013

4. Les méthodes naturelles de l'école moderne


Méthode naturelle de calcul  117
Méthode naturelle de l'enseignement des Sciences            126
Méthode naturelle de l'enseignement de l'Histoire             127
Examens et brevets .............  129
Les outils et les techniques de l'individualisation      134
Bandes enseignantes et programmations     136
Référence aux Instructions Officielles           140


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Les méthodes naturelles
de l'Ecole Moderne
Comme le prouvent les exemples que nous citons longuement dans les pages qui suivent, les outils mo­dernes apportent une vision nouvelle du rendement et des perspectives de la classe. Ce sont, au premier chef, toutes les disciplines scolaires : calcul, français, histoire, géographie, sciences, dessin, etc., qui bénéficient d'une pratique scolaire délibérément ouverte sur la vie, et qui suscite chez les élèves et chez le maître initiative et curiorité.
Nous parlerons ici de quelques aspects de ce pro­blème de rajeunissement et d'expansion du contenu résolu par une technique adéquate sous la forme de méthodes naturelles que j'ai hâtivement signalées dans la partie générale de ce livre.
MÉTHODE NATURELLE DE CALCUL
Nous n'entrerons pas ici dans les considérations géné­rales relatives à l'enseignement du calcul, et que nous avons exposées par ailleurs, visant à dissocier les méca­nismes de la compréhension intelligente du calcul (1).
Nous les résumerons hâtivement :
1° L'essentiel dans l'enseignement du calcul doit être
(1) C. Freinet, L'Enseignement du Calcul, B.E.M., Cannes (A.-M.).
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avant tout la culture du sens mathématique à même la vie (Méthode naturelle de calcul).
2° L'acquisition des mécanismes des diverses opérations est pour ainsi dire secondaire au siècle des I.B.M. et peut se faire par tous procédés dont on trouvera des démons­trations dans les manuels de calcul. Nous proposons, nous, nos fichiers auto-correctifs de calcul, rapides, souples, at­trayants.
LE CALCUL VIVANT
La scolastique présente aux enfants des règles, des principes, des lois qui sont comme préétablis, sûrs et définitifs et qui exigent des exercices d'ajustement et des répétitions.
La méthode naturelle rétablit les processus normaux d'expérience et de découverte.
Donnons quelques exemples typiques de la grande gé­néralité de l'expérience calcul dans diverses classes.
Mme Berteloot, Ecole maternelle
Vieux-Calonne à Liévin
Comme les autres activités, le calcul s'inscrit dans le cycle des activités journalières de l'enfant, dans son rythme de vie.
Il est d'abord chanson : bien souvent, il m'arrive de les entendre répéter sur un air monocorde : 1, 3, 5, 6, 4... ou 1, 1, 2, 1, 1, 2, en manipulant leurs objets familiers. Je vois souvent mes enfants s'extasier à propos de « beau­coup ». Beaucoup, beaucoup, beaucoup a pour eux valeur d'incarnation magique; quand l'enfant grandit, « beaucoup » devient des millions, des millions!
On se pose des questions avec dans les yeux déjà la présence du plaisir que causera la réponse.
— Y en a combien, madame ?
— Beaucoup, beaucoup ?
— Des millions, des millions ?
On vit d'abord le calcul.
Sans danger pour leur progression mathématique, leur suite rigoureuse, les nombres sortent de l'ombre à
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la lumière d'un événement marquant la vie d'un enfant
ou de la classe :
— les dessins sur les tabliers neufs;
             les sept tas de terre apportés dans le jardin : six
d'argile noire, un d'argile jaune;
— les trois feuilles restées sur le peuplier;
             les sept couleurs de l'arc-en-ciel;
— la petite basse-cour de Sylvère : un coq, deux pou-
les, trois poussins, etc.
C'est le calendrier qui assure la trame des nombres.
A partir de dix, on écrit dizaine en rouge, mais très
vite, on se libère de la couleur.         •
Le premier matériel naturel de l'enfant, ce sont ses doigts : 5 et 5. Les enfants semblent posséder 10 très vite et cette année, on m'a dit : « 9 c'est 10 moins 1 » avant de dire : « C'est 5 et 4.
Il n'y a, chez nous et au C. P., pas àe leçon spéciale de la dizaine qui a l'air de causer tant d'ennuis dans certaines classes. La suite 10, 20, 30, 40, s'acquiert tout au long de l'année.
Ecole maternelle de Fontaine-les-Grès (Aube)
Occasions quotidiennes; l'exploitation de ces occasions varie. Ainsi, elle est :
             détaillée et collective au début de l'année;
— plus rapide ensuite, mais toujours collective;
— limitée enfin à une équipe ou à un élève qui en
rendent compte à tous (brevets de calcul);
— nombre d'élèves : dans chaque rangée, chaque
équipe, présents et absents;
             feuilles d'éphémérides : nombre de jours du mois, jours de classe, jours de congé;
             feuilles à imprimer : pour nous, pour les corres­pondants, pour les journaux mensuels;
— craies restantes dans la boîte;
— images de collections (étiquettes de fromages, etc.).
Sans y penser... nous comptons occasionnellement des quantités discontinues : pièces apportées pour la Coopé, cônes de bonneterie, buvards, photos, pots de fleurs, timbres, etc. Nous étudions les nombres ordinaux :
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— en désignant les éphémérides;
— en numérotant les pages de notre livre de vie
et du livre des correspondants. Nous évaluons :
1) des sommes :
— cotisations pour la Coopé (chaque élève; total);
             produit d'une quête, de la vente de timbres; — frais d'envoi d'un paquet, d'une lettre, d'imprimés;
             achat de son, graines, paille (élevage); friandises pour colis, etc.
2)      des longueurs : graines qui lèvent, envergure d'un oiseau, doigts, pattes; les dimensions de la classe (compa­raison avec celle des correspondants), nos tailles, etc.
3)      des poids : qui est le plus lourd ? colis de lettres, im­primés, notre lapin grossit, etc.
4)      des contenances : des gouttes (compte-gouttes), des cuil­lerées, des verres, bols, bouteilles.., un litre, etc.
5)      le temps : une minute, une heure, temps de la récréa­tion, d'un travail, d'une promenade...
Mlle Gérard (Classe de perfectionnement
dans un quartier populaire)
Les histoires chiffrées partent, au début, surtout sur les commissions. Chaque matin, chaque soir, dans ce monde où les mères travaillent, ce sont les enfants qui font les commissions.
Ensuite apparaissent d'autres intérêts :
— entretien de la maison;
             les heures de travail et les salaires;
— les maladies et la Sécurité sociale;
             Comment s'offrir un poste de télévision, une moby­lette, une auto ?
             Les économies pour les vacances, les voyages, etc.
Mais c'est surtout la pratique régulière de la cuisine, intégrée une fois par quinzaine à la classe, qui nous a obligées à aborder des questions plus difficiles. En prépa­rant ces repas avec ces enfants handicapées mentales, en déjeunant avec elles, c'est tout un monde nouveau qui se révélait à moi. C'est là que je voyais leur manque de jugement et de raisonnement, leur maladresse, mais aussi
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leur débrouillardise et leur intuition qui peu à peu resur-
gissaient.
— Comment lire et appliquer une recette ?
             Comment couper 50 g de beurre dans un paquet de 250 g ?
— Comment emplir une casserole à demi ?
— Comment évaluer une pincée de sel, 30 g de sucre ? — Comment prendre un quart de litre de lait, remplir un moule aux deux tiers ?
             Comment laisser cuire pendant 10 mn ou 3/4 d'heure ?
— Comment partager les radis pour 7 ou 8 ou 9 convives ?
             Comment partager la tarte ?
             « Comme tu fais de grosses épluchures à ta pomme s, dit Micheline, et de là, Micheline pèse pomme non épluchée, puis épluchure pour établir le rapport;
— Comment savoir les quantités de matières premières à acheter, à conserver ?
             Comment acheter, en gros, au détail ?
— Va-t-on manger des fraises à Noël, des tomates en février, des haricots secs en juin ?
Toutes sortes de questions nous sont posées, que nous résolvons sur-le-champ ou que nous approfondissons les jours suivants.
J'ai constaté que ces travaux concrets, utilitaires, en­traînaient ces enfants, pourtant handicapés, beaucoup plus loin que je ne le prévoyais, sur le chemin de l'abstraction. Et puis, c'est si bon de déjeuner d'un repas que l'on vient de préparer!
G. Beruti (C.M.-F.E.) nous communique
des occasions spécifiques au milieu urbain
de ses élèves
1° Le problème du logement et du garage dans la
grande ville :
Un texte :
« J'ai été chez Philippe, comme il est bien logé!
— Mon déménagement.
             Papa refait chambres et cuisine.
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Que de calculs outre les problèmes classiques sur tapis­serie et peinture I
— Pourquoi le fait-il lui ? A quel moment ? Son béné­fice ? Comparons avec le plâtrier ? Son salaire ? Les éco­nomies pour faire ces réparations ? La construction d'un appartement : vaut-il mieux louer aux H.L.M. ou faire construire ?
2° L'envoi en colonie de vacances :
Prix total — Allocation vacances — Bourses — Part du salaire — La location d'un logement à la campagne —La maison familiale.
3° L'automobile :
— Comment l'acheter ? Problème du garage. Vaut-il mieux la louer sans chauffeur ? Le budget de l'automo­biliste.
4° La maladie et les assurances :
Pourquoi faut-il s'assurer ? Avantages apportés par la Sécurité sociale (mutuelles, etc.).
5° Les transports dans la ville :
— Prix d'une carte de tram, d'un abonnement men­suel, % du salaire — Choix de 'l'usine et du logement — Etude des transports : nombre de voyageurs transportés, heures de pointe, kilomètres parcourus — Vitesse maxi­mum des transports, etc.
Le calcul devenu vivant s'intègre tout naturellement à la vie de toute la classe et participe même à la correspon­dance interscolaire. Il arrive très souvent que des élèves in­ventent des problèmes pour les soumettre à leurs correspon­dants ou que, tout simplement, ils leur proposent un problème difficile qu'ils ont eu plaisir à réussir.
Le calcul-correspondance
L'école de Pitoa (Cameroun) et l'école de Saint-Benoît (Vienne) avaient instauré le calcul-correspondance au cours d'une année et cela à la satisfaction de tous, maîtres et élèves.
Cette technique s'était imposée tout naturellement ainsi que M. Lagrave, instituteur à Pitoa, l'écrivait à M. Barthot, instituteur à Saint-Benoît.
L'échange de lettres, journaux, enquêtes, brochures et colis permettait déjà, de part et d'autre, une interpréta-
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tion fructueuse, mais Lagrave pensait à juste titre que nos enfants devaient se mêler plus intimement à la vie réelle de leurs correspondants.
« Je vous fais parvenir des textes-problèmes.
Voici comment nous procédons. Chaque mercredi et samedi soir, un volontaire décide d'écrire un texte-problème sur un tableau réservé. Le jeudi et le dimanche, il entre en classe, accompagné de deux camarades qu'il a choisis. Il écrit son texte; ses camarades l'aident à mettre au net et à corriger.
Le lundi et le vendredi matin, nous trouvons donc sur le tableau un problème, mais un problème tiré de la vie de l'enfant, concret, réel. Les élèves se groupent devant ce texte et le lisent en silence. Quand ils l'ont compris, ils retournent individuellement à leur place et commencent à chercher les réponses.
Pour nous, ce procédé a plusieurs avantages : il cons­titue une lecture silencieuse; la réponse juste me certifie que le texte a été compris. Comprendre le texte et trou­ver la réponse est une marque réelle d'intelligence. Ce pro­cédé introduit un calcul vivant et concret. Ce n'est pas encore le calcul motivé, mais il plaît à l'enfant puisqu'il répond à son désir de production.
En faisant le problème, chaque correspondant apprend en même temps les détails sur la vie de son camarade; solutionnant ses propres problèmes, il participe en quelque sorte à sa vie. C'est un excellent moyen de faire connais­sance.
Ces problèmes à résoudre nous ont appris que l'enfant africain est livré souvent à sa seule initiative et obligé de se débattre avec les difficultés de la vie bien plus tôt que l'enfant blanc. On apprend aussi qu'aucune tendance à la thésaurisation ne vient le déformer. Il travaille, confec­tionne et vend au fur et à mesure de ses besoins et participe très jeune à la vie de la communauté.
LES FICHIERS AUTO-CORRECTIFS
Les fichiers autocorrectifs représentent une des réali­sations maîtresses des Techniques Freinet. Ils mettent à la disposition de l'enfant des exercices destinés à l'acqui­sition des mécanismes en calcul (opérations, problèmes,
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exercices sur les nombres complexes et géométrie), ortho­graphe et conjugaison, dans les différents cours. Leur ori­ginalité réside dans le fait qu'ils permettent à chaque enfant de travailler à son propre rythme, sans être bous­culé ni freiné par le niveau de ses camarades.
Ils se présentent sous la forme :
1' De fiches-demandes dans lesquelles sont posées les opérations à effectuer, ou les problèmes à résoudre, ou les accords orthographiques à appliquer.
2° Des fiches-réponses à ces demandes permettant à l'enfant de corriger lui-même les exercices proposés.
3° De fiches-tests conservées par le maître, qui don­nent à celui-ci le moyen de contrôler les acquisitions des élèves au fur et à mesure que ceux-ci avancent dans les difficultés.
4° De fiches-corrections donnant un travail supplémen­taire aux élèves qui auraient oublié une notion lorsqu'ils font une fiche-test.
Toutes explications sont données sur l'emploi des fi­chiers dans les notices jointes à chacun d'eux. Un plan général du fichier permet de voir à quelle notion corres­pond chaque fiche et vice versa, en même temps que la graduation des exercices. Si bien qu'il est possible de voir
où en est l'élève » et aussi de placer » à son niveau
un élève retardataire ou nouvellement arrivé. Des plans individuels (un par élève) permettent de suivre le travail déjà fait par chaque élève.
Ces fiches sont imprimées sur carton léger, de cou­leurs différentes suivant qu'il s'agit de fiches-demandes, réponses, tests ou corrections. Dans la plupart des cas, ces fiches sont de format 10,5 X 13,5 cm, sauf pour les fichiers d'orthographe d'accord C.M. et F.E. et de géomé­trie .pour lesquels, étant donnée la longueur des textes, il a fallu adopter le format double 13,5 X 21.
Il faut en général un fichier par dix élèves, ce nombre étant toutefois fonction de l'organisation de la classe (1).
(1) Liste des fichiers réalisés (classes primaires) : Additions-sous­tractions (580 fiches). — Multiplications-divisions, 1'• série (218 D, 218 R). Multiplications-divisions, 2• série (182 D-182 R). — Nom­bres complexes (56 D-56 R) grand format. — Géométrie (86 D-86 5-tests) grand format. — Problèmes cours élémentaire (129 D-129 R). — Problèmes cours moyen 1'• année (168 D-168 R). — Problèmes
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LES CAHIERS AUTO-CORRECTIFS
Le cahier de calcul autocorrectif personnel permet à l'élève d'avoir une vue d'ensemble sur les opérations qui le rendent maître des mécanismes indispensables aux opéra­tions diverses : ils sont livrés sous la forme de livrets de trente-deux pages avec fiches de travail, livrets de résul­tats et tests de contrôle (1).
cours moyen 2' année (196 D-196 R). — Problèmes classe fin d'études (210 D-210 R).
(1) Liste des cahiers auto-correctifs (classes primaires) : N° 1 : Table d'addition C.P. — N° 2 : Table de soustraction C.P. —
N° 3 : Additions-soustractions (0-100) C.P.-C.E. 1. — N° 4 : Table de multiplications-divisions C.P.-C.E. 1. — N° 5 : Additions-sous­tractions (100 à 1000) C.E. — N° 6 : Multiplications-divions par 1 chiffre C.E. — N° 7 : Multiplications-divisions par 2 chiffres C.E. 2-C.M. 1. — N° 8 : Additions-soustractions C.E. 2-C.M. 1. —N° 9 : Divisions par 1 et 2 chiffres C.M. — N° 10 : Longues multi­plications et divisions C.M.
Lycées et collèges : N° 1 : Classe de 5• : Arithmétique litté­rale et préparation à l'algèbre. — N° 2 : Classe de 4' et 3' : Arith­métique (rapports et proportions. Nombres premiers. Racine carrée. Radicaux). — N° 3 : Classe de 4' : Algèbre (calcul algébrique). —
N° 4 : Classe de 4• et 3' : Algèbre (décomposition en produits de facteurs. Fractions rationnelles. Equation du 1•' degré à une inconnue). — N° 5 : Classe de 3• : (Equation du 1•' degré à deux inconnues. Inéquations. Fonctions. Equation du 2' degré).


MÉTHODE NATURELLE                                            MÉTHODE NATURELLE
DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE


C'est dans les C.P. et C.E. non encore dominés par les impératifs des programmes et des examens qu'une mé­thode naturelle de l'enseignement des sciences a vu le jour, de façon toute spontanée, sans que les maîtres aient lu Emile.
Nous renvoyons nos lecteurs à la brochure de la Biblio­thèque de l'Ecole moderne : L'Enseignement des Scien­ces (1).
Divers problèmes y sont posés :
1° Peut-on laisser l'enfant observer et expérimenter li­brement ?
2° Les enfants et adolescents possèdent-ils l'esprit, le sens scientifique ?
3° L'enfant doit-il refaire toute la gamme des expérien­ces qui ont conduit l'Humanité à l'ère industrielle et ato­mique ?
4° Y a-t-il gradation ou totale liberté dans le choix des observations et expériences?
5° Doit-il y avoir un plan de recherche ?
6° Acquisition et esprit scientifique sont-ils antinomi­ques?
7° Imagination, intuition, invention sont-elles de mise ?
8° La liaison de l'étude des sciences avec la vie ne retarde-t-elle pas une certaine aptitude à l'abstraction qui hausse l'esprit aux synthèses, aux généralités, aux lois?
Nous ne saurions quitter ce chapitre sans proposer comme démonstration méticuleuse, ordonnée, scientifique, la lecture de la B. T. barbacane (2) (histoire d'un grillon) réalisée par les élèves de C.P. et C.E. de l'école de Buzet-sur-Baïse (L. et G.) sous la direction de M. Delbasty. La vision claire de l'enfant détrône ici la conscience de l'ento­mologiste.
(1)                    B.E.M., C.E.L., Cannes (A.-M.).
(2)                    Barbacane, brochure Bibliothèque de Travail, n'a 507-508­509, Editions de l'Ecole Moderne, Cannes (A..-M.).
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L'Histoire est une discipline pour laquelle rien n'a été fait de valable sur le plan pédagogique. Les manuels jettent, au vent de l'oubli, des noms, des dates que l'en­fant ne saurait retenir ni comprendre et que le maître ne saurait expliquer sans une formation historique solide, sans l'acquisition d'un sens de l'histoire, toutes choses qui dépas­sent le niveau de culture d'un jeune bachelier.
Délaissant tous les manuels qui, dans leur condensé, sont toujours difficilement accessibles, nous avons mis de­bout une technique de travail historique à base d'obser­vation et de documentation, dans le milieu d'abord, ensuite par la recherche de documents, la construction de maquet­tes, l'étude des textes, les films.
Nos premiers travaux nous permettent déjà d'offrir aux éducateurs un cours d'histoire avec Plans-Guides com­plété par une riche collection de brochures Bibliothèque de Travail.
Pour faciliter le travail, nous avons découpé l'His­toire en « Moments historiques e essentiels, étant bien en­tendu que des travaux de synthèse corrigent ce qu'auraient d'arbitraire ces moments et replacent chacun d'eux dans le complexe de la lente évolution historique.
Voici la liste de ces moments pour la période allant de la préhistoire à 1789. (Nous avons regroupé ces mo­ments pour faciliter les éditions dont nous allons parler.)
1.           La préhistoire.
2.           La civilisation égyptienne.
La civilisation assyrienne et phénicienne.
La civilisation chinoise et indoue.
3.           La civilisation grecque.
L'Empire romain.
4.           La Gaule et le christianisme.
Les invasions barbares.
Les Francs et leurs descendants, Charlemagne.
5.           Le Moyen Age.
Les Normands.
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La Féodalité.
6.           Puissance de l'Eglise et Croisades. Naissance de la bourgeoisie, les Communes.
7.           Les grandes inventions.
Les grandes découvertes.
La Renaissance.
8.           La France au XVI' siècle. La Réforme. Le siècle de Louis XIV.
9.           La France à la veille de la Révolution.
Pour chacun de ces grands groupes de moments his­toriques, il sera publié, outre les B.T. déjà existantes et celles qui sortiront encore :
a)           Une brochure S.B.T. de Plans-Guides détaillés avec toutes indications pour la documentation;
b)           Des S.B.T. textes d'auteurs, documents d'archives, chansons et danses folkloriques (nous pouvons publier au­tant de ces brochures que le nécessitera notre documenta­tion);
c)           Des pochettes d'histoire contenant pour chaque
moment historique :
— Des dessins de costumes, prêts à être reproduits
pour découpage,
— Des dessins d'outils,
— Des dessins d'habitation,
— Des maquettes simples et pratiques pour nos
classes.


EXAMENS ET BREVETS
Dans la société actuelle, les examens sont indispen­sables. Dès qu'on veut faire une sélection — pour l'entrée dans certaines écoles et ensuite pour certains emplois —il nous faut un moyen technique, autre que la fortune ou l'influence politique, pour déceler les qualifications et les aptitudes.
Nous ajoutons que, pour ce qui concerne la France, les examens, même lorsqu'ils sont sans utilité pratique, sont considérés comme des références individuelles, au même titre que les décorations, les « parchemins a qui ont été de tous temps recherchés et encadrés, ou les médailles. Une organisation scolaire qui viserait à les supprimer ou à les réduire se heurterait à l'opposition unanime des parents. Ce sont là des réalités dont, pour l'instant du moins, nous devons tenir compte.
Qu'y a-t-il de regrettable dans les examens?
Il faut reconnaître que la pratique des examens été sérieusement rodée au cours de ce dernier demi-siècle. Les examens sont sérieux au maximum. Les fraudes sont rendues difficiles, les corrections sont en général objec­tives.
Nous pourrions dire que les examens actuels con­trôlent bien ce qu'ils visent à contrôler. Si nous examinons notre modeste Certificat d'Etudes, par exemple, nous pouvons savoir d'avance les candidats qui, sauf accidents, doivent être reçus; ce sont ceux qui font leurs problèmes justes (première condition); qui font peu de fautes à la dictée (deuxième condition); qui écrivent correctement (troisième condition beaucoup moins déterminante).
Mais le grand et principal grief que nous faisons à cet examen, c'est qu'il est notoirement incomplet, qu'il contrôle seulement deux ou trois techniques comme si elles étaient pour tous les individus l'expression idéale de la culture en ce milieu du XX' siècle. Cela était peut-être vrai au début du siècle. Mais aujourd'hui la vie .est faite de bien d'autres éléments majeurs. La formation de
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nos enfants est obligatoirement plus complexe qu'il y a cinquante ans, et certaines formes d'intelligence et de connaissances — parfois supérieures et déterminantes —sont totalement négligées au contrôle.
Notre actuel Certificat d'Etudes ressemble au C.E.P. d'il y a cinquante ans. Il était peut-être valable il y a trente ans. Il ne l'est plus aujourd'hui parce que les conditions matérielles et techniques ont évolué à cent pour cent. Une révision, une modernisation de ces examens s'impose.
Ce que nous disons de notre C.E.P. est certainement valable pour le baccalauréat et certains examens supérieurs. Ils mesurent, assez bien sans doute, un certain nombre d'acquisitions et d'aptitudes scolaires, cultivées par le bachotage, mais ces acquisitions et ces aptitudes sont souvent mineures dans la pratique de la vie. On mesure alors l'accessoire et on en néglige l'essentiel.
Cette tare apparaîtrait avec évidence si on pouvait, par une enquête objective et scientifique, établir la liste des qualités et des aptitudes techniques, sociales, culturel­les et humaines que réclame la société actuelle. Pour établir cette liste, il ne faudrait pas, bien sûr, s'adresser exclusivement à l'école et aux éducateurs, mais aux parents, aux administrateurs, aux organisateurs de sociétés diverses, aux employeurs.
Nous ne pouvons pas assurer que nos élèves reçus au Certificat d'Etudes sont les meilleurs de la promotion. Ils sont sans doute les meilleurs pour le calcul, la dictée et la rédaction, mais ils ne sont pas toujours les plus aptes à faire carrière dans la vie — l'épreuve elle-même de la vie nous en apporte tous les jours la certitude.
Il y a, incontestablement, des éléments majeurs que l'examen a négligés. L'examen n'est-il pas, de ce fait, en partie faux, injuste et dangereux ?
Outre les dangers divers qui viennent des fausses orientations, décidées à partir des résultats aux examens, nous voyons, nous, un grave danger psychique, un danger humain, à la persistance de ces erreurs : les examens n'ap­précient et ne jugent qu'une forme de connaissance, qu'une forme d'intelligence plus particulièrement scolaires. Celui qui ne les a pas et qui échoue à l'examen est, de ce seul fait, ravalé au rang des inintelligents et des incapables. Les échecs aux examens sont souvent, pour les enfants,
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des événements aux conséquences affectives et psychiques très graves.
Des examens bien compris devraient déceler toutes les qualités et toutes les aptitudes, les aider toutes à s'affir­mer, les inclure dans l'ensemble d'une culture harmonieuse au lieu de contraindre certaines d'entre elles à se développer en marge de cette culture, ce qui accentue ce hiatus regret­table entre l'école et la vie que nous ne cessons de dénoncer.
Sur quelles bases pourraient être établis pratiquement des examens qui répondraient aux besoins conjugués de l'école et de la société ?
Nous avons, pendant longtemps, cherché la solution dans une forme nouvelle d'épreuves, par amélioration des pratiques existantes ou par le recours aux tests. Ni l'une ni l'autre de ces solutions n'aurait, en définitive, remédié aux inconvénients que nous avons dénoncés.
C'est hors de l'école que nous sommes allés chercher des modèles possibles de formules à envisager, et notam­ment chez les• scouts, dent nous avons adapté le système complexe des « brevets ».
Depuis près de dix ans, nous expérimentons à l'Ecole Freinet, à Vence, cette pratique des brevets. Les essais similaires réalisés dans d'autres écoles nous donnent l'as­surance que nous sommes là sur une • voie qui mérite aujourd'hui qu'on y accorde attention.
De quoi s'agit-il ?
Nous partons d'abord de quelques principes diffé­rents :
1° Notre pédagogie doit s'orienter de plus en plus vers une pédagogie du travail. Il y aura donc lieu, de moins en moins, de considérer le verbiage théorique et les acquisitions abstraites. Munis d'outils et de techniques de travail, nous devons être en mesure de plus en plus de montrer le résultat de notre travail.
2° L'école de 1967 ne peut plus se contenter de mesurer les acquisitions techniques en calcul, orthographe et français. D'autres éléments de culture, pas strictement intellectuels, interviennent d'une façon majeure dans le comportement social des individus et dans leur mode de vie.
En lisant la liste des brevets que nous avons prévus, on mesurera mieux la diversité des tendances et des aptitu­des dont l'école doit désormais tenir de plus en plus compte.
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Liste des brevets obligatoires
Ecrivain. Lecture. Bon langage. Historien. Géographe. Ingénieur de l'eau. Ingénieur de l'air. Ingénieur des végé­taux. Collectionneur d'insectes. Ingénieur des minéraux. Maître du feu.
Brevets accessoires
Cueilleur. Fruitier. Grimpeur. Chasseur. Explorateur. Apiculteur. Eleveur. Constructeur. Cuisinier. Electricien. Chimiste. Secouriste. Artiste. Imprimeur. Graveur. Classeur. Voyageur. Acteur. Musicien. Chanteur. Potier. Menuisier. etc.
Comment pratiquons-nous pour l'usage de ces brevets ? Nos enfants écrivent des textes et des poèmes, font des enquêtes, des recherches préhistoriques, historiques, scien­tifiques, pratiquent la musique, le théâtre, impriment, mesu­rent, gravent, jardinent, voyagent, etc.
De bonne heure, dès novembre, ils pensent déjà à la production des oeuvres et des chefs-d'oeuvre qui seront présentés en fin d'année pour les brevets.
A partir de Pâques, chaque élève choisit les brevets pour lesquels il désire concourir. La variété des choix mon­tre bien que les enfants qui ont travaillé d'une façon non scolastique sont capables de se fixer des tâches qui répondent à leurs besoins, à leurs tendances ou à leurs aptitudes.
Des normes ont été prévues. Nous les avons publiées dans un numéro de notre collection de « Brochures d'Édu­cation nouvelle populaire ». Lorsqu'un enfant croit satis­faire à ces normes, il peut présenter son brevet. Des notes sont attribuées pour les divers éléments du travail et, en fin d'année, aux jours dits, une commission officielle examine les travaux et accorde les brevets. Au cours d'une séance solennelle accompagnée d'une exposition générale des travaux et en présence des parents, les brevets sont distribués.
L'expérience conduite depuis plusieurs années dans de nombreuses écoles, montre :
1° Que les enfants sont enthousiasmés par les brevets
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et que, pour. en obtenir le maximum, ils sont capables de faire, dans les branches multiples, les plus grands efforts.
2° Qu'il n'y a pas d'échec. Les plus mauvais élèves ont au moins trois ou quatre brevets, même insignifiants. Leur honneur est sauf, celui des parents aussi. Et tout cela n'est pas à dédaigner.
3° Qu'il n'y a pas, pratiquement, de fraude possible car on juge pour ainsi dire sur pièces, sur le travail effectif des enfants. Certains tests pourraient peut-être d'ailleurs intervenir pour des mesures délicates.
4° Les risques d'erreurs sont d'autant moins grands et moins dangereux qu'on juge sur• un plus grand nombre d'épreuves. Avec les trois épreuves du C.E.P., l'erreur sur une épreuve affecte le tiers de l'examen. Avec les brevets, l'erreur possible sur une épreuve ne touche que un quinzième ou un vingtième de l'examen.
5° La pratique des brevets est surtout précieuse pour l'orientation des enfants.
Cette pratique pourrait-elle effectivement être appli­quée au C.E.?,, à l'examen d'entrée en 6° et dans les divers examens du 2° degré, y compris le baccalauréat ?
Notre expérience actuelle nous permet de répondre affirmativement.
1° Examen en 6' : Les brevets seraient ici tout particu­lièrement précieux. Dans la période intermédiaire, ils pour­raient être encore complétés par une ou deux courtes épreu­ves qui départageraient les candidats, un peu comme on le fait dans les divers concours publicitaires.
2. Certificat d'études : Des essais pourraient être ten­tés tout de suite dans quelques départements pilotes, des normes expérimentalement établies. Les candidats se pré­senteraient au Centre avec leurs brevets. Une épreuve com­plémentaire déciderait en dernier ressort.
L'examen serait pour ainsi dire mixte : épreuves tra­ditionnelles et brevets. Seraient admis à s'y présenter les candidats qui auraient un nombre (fixé d'avance) de brevets obligatoires et de brevets facultatifs. Les épreuves complémentaires seraient à étudier en fonction de la forme nouvelle de l'examen.


LES OUTILS ET LES TECHNIQUES.
DE L'INDIVIDUALISATION
Cette idée d'individualisation n'est pas nouvelle pour nous. Nos bandes programmées ont pris corps dans notre pédagogie parce que, tournant le dos aux vieilles pratiques scolastiques, nous nous sommes orientés depuis longtemps vers le travail individualisé, seul efficace.
Nous avons rompu une première fois le vieux rythme traditionnel : leçons, devoirs, manuels scolaires, par la réalisation, il y a quarante ans, de la pratique du texte libre, que l'enfant produit lorsqu'il a quelque chose à dire et non à l'heure prévue pour l'exercice classique de rédaction (1).
Nous avons poursuivi avec notre fichier documen­taire (Fichier Scolaire Coopératif), et la classification déci­male qui en rend l'usage pratique dans toutes les classes (2).
Nous entreprenions ensuite notre grande série de bro­chures Bibliothèque de Travail, programmées, qui est à ce jour une véritable encyclopédie pédagogique avec plus de 20 000 pages illustrées permettant des formes nouvelles de travail (3).
Sur la même lancée, nous faisions un pas considérable avec nos fichiers autocorrectifs de calcul et de français (4) qui, bien avant les expériences américaines, préfiguraient une programmation dont la mode actuelle consacre le succès. Nous faisions en même temps nos premiers essais d'individualisation du travail avec nos fiches-guides d'his­toire, de géographie et de sciences.
Avec ces techniques et ces outils nouveaux, nous pou­vions réaliser partiellement notre vieux mot d'ordre : plus de manuels scolaires ! Et, effectivement, un fort noyau d'éducateurs de notre mouvement accédaient à cette forme originale d'écoles sans manuels scolaires, avec textes libres ;
(1)      BEM n° Le texte libre, par C. Freinet.
(2)      BEM n° 33-34 Le fichier documentaire, par R. Belperron.
(3)      Liste des nos parus à la CEL ; BP 282, 06-Cannes.
(4)      Voir catalogue CEL BP 282, 06-Cannes.
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comptes rendus et conférences, conformément au Plan de travail (1) qui tendait à devenir classique.
Mais ces diverses techniques ne nous donnaient pas encore une totale satisfaction, non plus qu'une suffisante sécurité. Elles exigeaient encore du maître trop d'initiatives délicates, trop de préparations minutieuses pour lesquelles nous manquions souvent d'éléments de base. L'exploitation pédagogique des complexes d'intérêt aurait nécessité des directives documentaires et méthodiques que nous ne pou­vions pas insérer d'avance dans un manuel scolaire forcé­ment trop rigide.
Pour ce qui concerne l'histoire, la géographie et les sciences, nous ne disposions encore que de données embryonnaires qui, dans la pratique, s'avéraient insuffisantes pour un enseignement scolaire de ces disciplines.
Nous pouvions certes nous prévaloir d'essais intéres­sants et probants mais qui étaient l'oeuvre, dans la plupart des cas, de maîtres aux capacités et au dévouement excep­tionnels.
En fait, notre méthode naissante apparaissait comme une réalisation pédagogique de valeur mais qui ne pouvait pas, telle quelle, prétendre à la pédagogie de masse que nous affrontons maintenant.
Et c'est parce qu'avec nos Bandes, qui complètent notre organisation, nous avons désormais l'équipement complet de nos ateliers de travail, que nous pouvons offrir à la masse des éducateurs une technique moderne bien au point, qui leur demandera un travail moins fasti­dieux que la pratique des manuels, mais qui leur vaudra efficience et intérêt, et donc meilleur rendement.
(1) BEM n° 15 Les plans de travail, par C. Freinet.


BANDES ENSEIGNANTES
ET PROGRAMMATION
Machines à enseigner et programmation sont à l'ordre du jour.
Encore une fois, nous n'avons pas voulu être en reste. Nous avons hardiment pris la tête du peloton et nous avons expérimentalement mis au point un. système de boîtes enseignantes fonctionnant avec des bandes de notre créa­tion, les premières en France et même dans le monde à affronter l'épreuve difficile de modernisation de notre ensei­gnement dans la masse des écoles de tous degrés.
Nous ne sommes pas partisans de la nouveauté pour la nouveauté, pas plus que nous ne sacrifions à la tradition. Nous oeuvrons sans dogmatisme et sans a priori. Instituteurs travaillant dans nos classes, nous sommes sans cesse à la recherche de tout ce qui peut faciliter notre tâche en amélio­rant le rendement technique et humain.
Les machines à enseigner sont, que nous le voulions ou non, une des formes de l'enseignement de demain. Il ne s'agit pas de les bouder sous le prétexte que, dans leurs formes communes, elles présentent des tares qui nous effraient.
Les machines dont on dit tant de mal ne peuvent-elles pas être aménagées pour nos classes ? L'enseignement pro­grammé est-il à notre portée ? Sous quelle forme et dans quels buts ?
J'ai déjà répondu à ces préoccupations dans mon livre : Bandes enseignantes et programmation.
LA PROGRAMMATION
La conception de la machine à enseigner n'est évidem­ment pas indifférente. Nous dirons quelques-uns des avan­tages de la nôtre. Mais ce qu'on met dans cette machine a plus d'importance encore. Vous pouvez avoir un appareil photographique de premier choix, avec des lentilles excel­lentes et une mécanique parfaite, si vous ne placéz dans cet
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appareil que des pellicules voilées ou de mauvaise qualité, les résultats resteront toujours insuffisants.
D'abord, qu'est-ce que cette programmation ?
On dit volontiers qu'elle consiste à atomiser les diffi­cultés, c'est-à-dire à les présenter en une suite de petites opérations qui font franchir pas à pas les escaliers de connaissance que les enfants ne peuvent pas aborder de front dans leur complexité.
Nous comparons toujours la programmation à la pré­paration d'une chaîne pour automatisation. On ne peut pas expliquer à la machine ce qu'elle doit faire. Il faut lui préparer une suite d'opérations simples dont l'ensemble mènera au résultat voulu. Il suffit qu'un contrôle auto­matique assure l'exécution de chaque séquence, faute de quoi la chaîne ne pourrait pas continuer. Il y a en effet une programmation qui, à l'image de la chaîne, ne nécessite que quelques gestes simples, où l'intelligence n'a qu'une faible part. Elle donne de bons résultats pour l'apprentissage des divers mécanismes, ainsi que pour les travaux d'ateliers. Nous avons voulu aller plus loin, dans le sens d'une pro­grammation plus intelligente que seul permet pour l'instant notre système de bandes.
Voici comment nous les avons conçues ; nous avons : — des bandes programmées pour l'acquisition des mécanismes simples, plus spécialement en calcul ;
— des bandes programmées pour complexes d'intérêt et notamment pour l'étude du milieu qui peut, grâce à cette technique, devenir vraiment le centre de tout notre travail scolaire ;
— mais la meilleure utilisation de nos bandes sera encore nos bandes de travail pour les diverses disciplines : calcul vivant, histoire, géographie, sciences, observations, expériences, ateliers de calcul, etc.
Les éducateurs n'avaient naguère à leur disposition que les manuels scolaires qui leur présentaient les obser­vations et les expériences des autres, que les enfants devaient « apprendre » pour assimiler des connaissances.
Nous avons pensé qu'à çette pédagogie scolastique de répétition nous devions substituer une pédagogie de recher­ches et d'expériences qui, non seulement augmente les connaissances des élèves, mais les éduque en profondeur, pour leur faire acquérir une culture.
Nous avions alors réalisé des fiches-guides quia gui-
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riaient » les enfants dans leurs recherches, dans leurs tra­vaux et leurs expériences ; quelques-unes de ces fiches comportaient déjà une sorte de programmation assez poussée.
Avec nos bandes, nous poussons plus avant cette pro­grammation. En 25 ou 30 séquences la bande indique dans le détail des observations à faire sur des insectes ou des animaux, les modalités techniques et pratiques pour les expériences et les recherches. Les résultats s'avèrent à ce jour surprenants.
CONSEILS
pour l'usage des bandes éditées et la préparation des bandes-bis.
Ce que nous avons dit ci-dessus vise à vous familiariser avec les outils de cette nouvelle technique. N'insistons pas pour la boîte. Elle est d'un maniement si simple et, pour­rions-nous dire, si usuel, qu'un enfant de 6-7 ans la monte et la manoeuvre sans difficulté. Les bandes elles-mêmes ont été réalisées par des équipes entraînées qui, profitant de notre longue expérience des fichiers autocorrectifs, vous présentent un matériel de choix, sinon parfait.
Comment employer les bandes ?
Nos bandes, comme nos fichiers autocorrectifs, ont cette qualité aujourd'hui essentielle de s'adapter. à toutes les classes. Vous pouvez très bien, dans une classe fonctionnant encore selon les méthodes traditionnelles, introduire des fichiers ou des bandes qui vous apporteront simplement un moyen pratique de donner efficience à vos leçons. Si les fichiers sont parfois difficiles à utiliser dans les classes étroites et surchargées, hélas ! aujourd'hui si nombreuses, les bandes, matériel plus individuel, s'accommodent de toutes les installations.
En somme les bandes remplaceront les exercices des manuels en calcul et en français. Seulement ce sont des exercices non scolastiques, plus naturels, que les enfants exécutent avec plaisir. Et la bande favorise l'application, l'ordre et le goût dans le travail, la conscience de la tâche bien exécutée, toutes choses qui sont précieuses dans les classes.
Nous voyons très bien par exemple une classe homo­gène de ville utiliser aussi les bandes de calcul. Quand la
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leçon — calcul vivant ou leçon traditionnelle — sera ter­minée, un temps plus ou moins long de travail individuel sur bandes sera réservé, au cours duquel chacun avance à son rythme, sur le sujet indiqué, sans difficulté majeure, sans bruit, dans une atmosphère de travail paisible qui est la caractéristique d'une bonne méthode pédagogique.
Il en sera de même en français.
Peu à peu, que nous le voulions ou non, si nous dési­rons progresser, il nous faudra nous orienter vers la classe-atelier pour les sciences notamment, où les observations et les expériences nécessitent une organisation adéquate, possible dans une classe ordinaire, même exiguë. Cette idée de classe-atelier est aujourd'hui admise et même recommandée par les Instructions ministérielles. Avec les bandes enseignantes vous pourrez y pourvoir avec un mini­mum de transformations : table d'exposition de documents ; tables autour de la classe pour le travail scientifique et his­torique ; table pour l'atelier de calcul, avec balances, poids, mesures diverses, etc. Les bandes régleront désormais ce tfavail d'atelier que vous pourrez prévoir tous les après-midi.
Pendant ces heures de travail au moins, vous romprez l'ordre scolastique. Les tables seront regroupées en tables de travail : observations, découpages, dessins, etc., indivi­duels ou en équipes.
Nous n'aurions recommandé naguère ces transfor­mations qu'avec une extrême prudence car elles supposent une organisation très poussée du travail. Nous avons et nous aurons maintenant cette organisation grâce à nos ban­des enseignantes.
Vous pourrez donc les introduire progressivement dans vos classes. Vous en développerez l'emploi au fur et à mesure que l'enthousiasme des enfants pour cette nouvelle technique vous incitera à y adapter la nouvelle organisation de votre classe.
Voir : C. Freinet : Bandes enseignantes et programmation (Bibliothèque de l'Ecole moderne, Cannes). — C. Freinet : Bandes enseignantes (Dossier pédagogique de l'Ecole moderne n° 6, Can­nes). — C. Freinet et M. Bertheloot Travail individualisé et pro­grammation (Bibliothèque de l'Ecole moderne, Cannes).


RÉFÉRENCE
AUX INSTRUCTIONS OFFICIELLES
Nous avons la chance de bénéficier en France d'Ins­tructions officielles qui, loin d'être contraignantes et limi­tatives, sont toujours ouvertes vers le bon sens, l'intel­ligence et le progrès. Nous ne ferons exception que pour cette erreur que fut, il y a quelques années, la fameuse circulaire du « par coeur » unanimement désavouée d'ailleurs par l'Université française.
Dès la parution des Instructions officielles de 1923, date à laquelle nous avions déjà commencé nous-mêmes nos expériences, nous nous référions à ce document qui se présentait alors comme une véritable charte de la pédago­gie moderne.
Nous sommes heureux de constater que se continue la tradition avec les Instructions officielles sur les Travaux scientifiques expérimentaux, et, tout récemment, sur les classes de transition, les classes terminales et enfin sur le dessin.
N'est-il pas normal que nous cherchions dans ces ins­tructions les justifications pour ainsi dire administratives de nos propres travaux, et que nous répondions à ceux qui voudraient nous contester le droit de ne pas nous plier à la tradition scolastique, que les instructions officielles ne se contentent pas de nous autoriser à faire mieux : elles nous en font une obligation.
Il est pour le moins paradoxal que nous soyons en­core assez souvent en butte à ceux-là même qui, devant faire respecter les règlements, y contreviennent réguliè­rement.
Nous savons bien que, en ce domaine, nous souf­frons du décalage que nous avons maintes fois signalé entre une pédagogie théoriquement progressiste et une pra­tique scolaire étrangement retardataire.
Que, à tous les degrés, on s'accommode de ce déca­lage est bien une des conséquences de notre époque. On ne se contente pas de s'en accommoder; on dresse une per­manente barrière contre tous les essais de modernisation de notre enseignement. On procède, en tous lieux, comme si
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les I. O. n'existaient pas : on leur tire le cas échéant un coup de chapeau déférent et on s'en prend à ceux qui voudraient témérairement faire passer dans la pratique de leur classe les rêves généreux des pédagogues.
Nous avons eu le courage et la ténacité de nous con­former à la lettre et à l'esprit de ces I. O. On nous a souvent accueillis comme les hiérarchies religieuses ou politiques accueillent les fidèles trop zélés qui, bibles en mains, veulent montrer l'urgence de certains redresse­ments. Mais nos réalisations sont aujourd'hui trop flagran­tes pour qu'on continue à en masquer la portée. Une cer­taine inquiétude semble gagner les milieux enseignants tra­ditionnels : et si demain on les obligeait à suivre ces mêmes I. O. ? Si on les notait en fonction de leur respect des récentes circulaires ? S'ils devaient accepter ou même solliciter un certain « recyclage » qui est la condamna­tion d'une traditién qui s'avère impuissante à affronter le présent et l'avenir ?
C'est parce que nous sentons que souffle un vent nou­veau qui nous est favorable que nous avons offert à nos adhérents, dans une brochure spéciale, de larges extraits des I. O. qu'ils ont avantage à mieux connaître, pour y puiser assurance et certitude.
Chemin faisant, pour vous faciliter les recours utiles à ces documents officiels, nous avons mentionné d'une part les entorses que la pédagogie traditionnelle fait aux injonc­tions ministérielles, et d'autre part comment, par nos techniques, nous sommes les plus fidèles traducteurs de ces mêmes Instructions.
Et ce sera pour nous une raison de plus de continuer notre activité, qui porte aujourd'hui ses fruits, au sein de la plus large, de la plus ouverte et de la plus fraternelle des équipes de travail pédagogique dont puisse s'enorgueillir le monde contemporain.
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