samedi 2 novembre 2013

Michel Delord, "Seuls 10 % d'une classe d'âge allaient en sixième"

Dans la série des arguments fallacieux des théoriciens du niveau qui monte figure en bonne place :
"Vous comparez ce qui n'est pas comparable, seul 10% d'une classe d'âge allait au lycée".

Exemple : France 2, le jeudi 8 septembre : Marc le Bris explique la baisse de niveau des élèves au sortir du primaire et en sixième par les aberrations pédagogiques imposées par l'appareil scolaire au travers des différentes réformes depuis 1970. Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général du SGEN-CFDT (syndicat qui a été un des principaux acteurs de ces réformes), lui réplique en faisant porter la responsabilité de cette baisse de niveau - qu'il reconnaît donc à demi-mot, ce qui est nouveau - par la présence de nouveaux publics en sixième :" Il y a 30 ans, il y avait 10% d'une classe d'âge qui allait en sixième. Maintenant il est évident qu'il y a une massification extrêmement importante, on trouve des élèves à problèmes alors qu'ils n'étaient pas dans le secondaire".

1°) Les comparaisons tirées de l'étude sur le passage du CEP, Certificat d'Études Primaires (Michel Delord, "Connaissances en français et en calcul des élèves des années 20 et d'aujourd'hui", Bilan partagé ?) comparent ce qui est comparable puisque le CM2 n'a pas été massifié.

2°) Dans ce texte je montrais que, alors que depuis de nombreuses années, on savait que à peu près la moitié d'une classe d'âge avait le Certificat d'Etudes, les tenants du niveau qui monte sous-entendaient ou affirmaient clairement que c'était une minorité de l'ordre de 10 ou 20%. Le raisonnement est strictement sur le même sur le passage en sixième, confondue avec le passage en lycée pour le début des années 60, époque à laquelle on peut faire une référence comparative puisque les programmes de CC et de premier cycle des lycées étaient forts semblables et de toute façon d'un niveau supérieur à ce qui est exigé maintenant.
...
Lire la suite : 


Lire aussi :
Michel Delord, Note technique sur la "massification".
Michel Delord, "Connaissances en français et en calcul des élèves des années 20 et d'aujourd'hui", Bilan partagé ?

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edit du 11/11/2013 : Je rajoute cette citation de Philippe Meirieu et l'analyse qui en est faite par Pauvre Yorick sur le forum Neoprofs : 
"Le niveau général ne cesse de monter, et en même temps, le niveau que les professeurs constatent dans leurs classes ne cesse de baisser!
C'est pourtant une évidence arithmétique indiscutable! Prenons, pour nous en convaincre,un exemple arbitraire parmi d'autres. En 1960, moins de 10% de la tranche d'âge des jeunes de 15-16 ans sont en classe de Seconde de Lycée.
Ce sont pour la plupart des jeunes issus des classes moyennes et supérieures. Bien entourés, bien dirigés, ces élèves ont un bon niveau en orthographe, savent réiger un texte correctement, et obtiennent une moyenne de 12/20 en dissertation de français...
Quarante-cinq ans plus tard, plus de 70 % de la même tranche d'âge est en Seconde : issus de milieux sociaux et culturels bien plus diversifiés, sans doute plus inégalement suivis par leurs familles et moins systématiquement stimulés par leur environnement, ils n'obtiennent, sur la même dissertation, qu'une moyenne de 8/20...Le niveau des jeunes Français a-t-il vraiment baissé? Petit calcul .
En 1960, un élève de Seconde a, en moyenne, 12/20 à sa dissertation; donnons aux autres une note forfaitaire, pour le papier et le temps passé, de 2/20 : la moyenne de la tranche d'âge est de 3/20. Aujourd'hui, avec les mêmes modes de calcul, la moyenne de la même tranche d'âge sur le même exercice est de 6,2/20 : elle a plus que doublé!
Hausse spectaculaire du niveau général, tandis que le professeur de seconde voit, lui, les résultats de sa classe baisser de 4 points!
Dans le même temps, le nombre d'élèves ayant 12 et plus a augmenté, mais ces élèves sont proportionnellement moins nombreux que jadis!
Reste évidemment la seule vrai question : comment faire pour que l'accès aux études s'accompagne d'une hausse correspondante du niveau des élèves qui y accèdent? Comment transformer "la démocratisation de l'accès" en "démocratisation de la réussite"? C'est évidemment affaire de pédagogie."

Philippe Meirieu, Lettre à un jeune professeur, ESF éditeur et France Inter, 2005, 96 pages.

(source de la citation : cité par AdelaideAugusta : http://www.neoprofs.org/t66896p80-methode-boscher-quel-expert-en-voudrait#2251271 )

Analyse du texte de Meirieu par PauvreYorick :
Le calcul en lui-même est fantaisiste : cela supposerait qu'on évalue, en 1960 et aujourd'hui, les mêmes choses de la même manière, et l'idée de donner 02/20 à 90% de la population (en 1960) et à 30% de la population (aujourd'hui) est arbitraire. (10% à 12/20, 90% à 02/20, ça fait effectivement une moyenne de 03/20; 08/20 à 70% et 02/20 à 30%, ça fait effectivement une moyenne de 06,2/20).

L'idée d'une élévation du «niveau moyen» (plutôt que «niveau général», car qu'est-ce qu'un «niveau général»?), en revanche, n'est pas absurde: cela revient exactement au même que de dire qu'on récolte davantage en demandant 1€ chacune à 10 000 personnes qu'en demandant 10€ à chacune des 100 personnes les plus riches de ces 10 000. De même, dans une classe de 30, la moyenne va davantage monter si les 27 moins bons progressent chacun d'un point, les 3 meilleurs gardant leur note précédente, que si les 3 meilleurs progressent chacun de 8 points, les 27 autres gardant leur note précédente.

Le seul problème étant qu'on ne peut rien faire d'un «niveau moyen» (surtout s'il est effroyablement bas), une moyenne pouvant cacher des disparités considérables et un échec global; et que pour parler véritablement de progrès, il vaudrait mieux fixer un «niveau acceptable» (constant, ce qui est difficile à cause de l'évolution des exercices et de la façon de les noter), et voir si effectivement davantage d'élèves l'atteignent, si possible sans trop endommager les performances des meilleurs et sans couler non plus totalement les moins bons.

Toute personne qui a travaillé une fois dans sa vie sur des chiffres sait bien que la «moyenne», dans bien des cas, ne dit pas grand'chose. Surtout toute seule.

On pourrait continuer à énumérer les défauts de ce «raisonnement». J'ai souligné que le «niveau moyen» est baptisé de façon trompeuse «niveau général», et sert de base à des calculs qui n'ont pas de sens dans la mesure où, pour commencer, tant la nature des exercices que la manière de noter ont changé entre 1960 et aujourd'hui (si on faisait un calcul de l'élévation de la température en comparant des degrés Celsius et des degrés Fahrenheit, ce serait ridicule). On pourrait également se demander quel est le professeur qui, enseignant aujourd'hui, a eu une classe de seconde en 1960.

Mais on ne peut pas disqualifier de façon directe l'idée sous-jacente, qui est que la perception qu'a un professeur de l'évolution du niveau de ses classes n'est pas directement transformable en diagnostic sur une baisse ou une hausse du niveau général. La modification de la structure du public présent en classe déforme nécessairement sa perception.

(source de la citation : http://www.neoprofs.org/t66896p80-methode-boscher-quel-expert-en-voudrait#2251541)

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