dimanche 30 juin 2019

Le krach de l'école française en 2019, par René Chiche


@rene_chiche est en train d'exposer sur Twitter en ce moment et pour les jours à venir certaines des raisons principales pour lesquelles j'ai commencé à faire ce blog et à le remplir d'images de vieux manuels poussiéreux, autrement dit l'échec de plus en plus flagrant de l'éducation nationale à instruire les jeunes générations et même à leur enseigner à penser. 

J'essaierai de mettre le lien du tweet le plus souvent pour que l'on puisse se reporter aux réponses des twittos qui sont certes quelquefois stupides, grossières comme on se plaît à le rappeler pour disqualifier ce magnifique réseau social (mise à part la censure), mais aussi souvent pleines de bon sens.

Je suis sur le point de terminer la lecture de mes copies de baccalauréat. 6000 pages de charabia. Je n'avais jamais vu ça. Et je suis scandalisé par le mensonge dans lequel on a entretenu ces jeunes gens, victimes de l'inconséquence d'un système foncièrement hypocrite ! (lien)

Le baccalauréat ?
Près de 90% de réussite.
Près de 60% de quasi-illettrés.
Vous voulez des preuves ?
Vous les aurez !
J'en ai plus qu'assez !
Il est temps que cesse l'un des plus grave mensonge d'État ! (lien)

Baccalauréat ES, juin 2019.
Début d'une copie dans son jus.
Je vous fais grâce de la suite.
Ainsi que des cent autres de même farine.
Comment parvient-on en classe de terminale dans un tel état de quasi-illettrisme ?
Ce qu'on a fait à ces jeunes est décidément impardonnable ! (lien)


Le seul centre de "déradicalisation" efficace est l'école. Mais on la saccage depuis des décennies. Et tous détournent les yeux...

On quittait jadis l'école primaire en sachant convenablement lire et écrire.
Cinquante ans après, à l'issue d'un intensif régime de réformes de l'institution scolaire, on accède enfin à l'enseignement supérieur en ne sachant presque pas lire et pas du tout écrire.
Félicitations ! (lien)

Le but de l'école n'est pas la réussite mais l'instruction. L'Etat ne paye pas des professeurs afin que tous deviennent chirurgiens ou avocats mais pour que chacun, qu'il soit ensuite boulanger, chauffeur ou ministre, sache raisonner et ne se paye pas de mots. En principe. (lien)

Mon devoir de dire la vérité au sujet de la désinstruction nationale, tant le déni persiste et l'affaire est grave. Mais, par pitié, ne vous moquez pas de ces générations privées de lettres et nourries d'illusions. Tournez votre colère contre les responsables de ce désastre !

Être de gauche, de droite ou n'être ni l'un ni l'autre ne sont pas des vertus.
L'honnêteté est une vertu.
Le courage est une vertu.
La justice est une vertu.
Etc.
Dès qu'on estime quelqu'un pour ses opinions au lieu de ses vertus, la démocratie se transforme en tyrannie.

La canicule et le report du brevet révèlent l’absurdité du calendrier scolaire (article)
https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-canicule-et-le-report-du-brevet-revelent-labsurdite-du-calendrier-scolaire_fr_5d1369b3e4b0aa375f56be18

Rappeler que le peuple est souverain, c'est être populiste.
Rappeler que la République est laïque, c'est être intolérant.
Rappeler les règles de la grammaire, c'est être réactionnaire.
Rappeler que toute instruction repose sur la discipline, c'est être nazi.
Bienvenue en 2019.

On pétitionne contre la vente d'un aéroport mais j'aimerais qu'on prenne aussi conscience du coût de la désinstruction nationale.
Non seulement son coût financier, le plus facile à établir, mais aussi son coût économique, son coût social, son coût politique, et son coût humain !

L'être humain est ainsi fait que c'est par les mots qu'il pense. Toutes les nouvelles technologies n'y  changeront rien. La base de la connaissance, des choses et de soi, c'est le langage. L'école doit par conséquent avoir pour priorité d'en permettre la plus grande maîtrise. (lien)

à suivre...

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Baccalauréat: quand l’illettrisme s’invite dans les copies

Par  Etienne Campion   Mis à jour le 05/07/2019 à 07:20  Publié le 04/07/2019 à 12:03

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Les résultats du baccalauréat doivent tomber ce vendredi 5 juillet. Mais, alors que gronde la colère des professeurs face aux réformes de Jean-Michel Blanquer, certains alertent contre la chute vertigineuse du niveau des copies au baccalauréat. René Chiche, professeur de philosophie, témoigne.

René Chiche est professeur de philosophie au lycée, vice-président d’Action & Démocratie, représentant CFE-CGC et membre du Conseil supérieur de l’éducation.

Professeur de philosophie, vous avez relayé des copies de baccalauréat pour le moins calamiteuses. Comment considérer celles-ci au regard de notre système éducatif?

René CHICHE.- On a davantage coutume d’entendre les professeurs se plaindre des copies qu’ils lisent qu’en louer la qualité, tout simplement parce que celles qui méritent des éloges sont effectivement rares. Il en a toujours été ainsi. Quelques-uns en concluent que nous passons notre temps à nous plaindre de la baisse du niveau, certains allant même jusqu’à exhiber des «c’était mieux avant» déjà proférés dans les années 60, voire au début du dernier siècle, pour considérer la baisse du niveau telle une vieille rengaine tandis que d’autres n’hésitent pas à qualifier de mythe ce qui est pourtant l’objet d’un constat sans appel. Ces gens ont-ils jamais lu une seule copie? Qui sont donc ceux, et au nom de quelle expertise, qui se permettent de disqualifier la parole des professeurs, et de pontifier sur un niveau qui monte sous prétexte que les élèves d’aujourd’hui auraient, la belle affaire, de «nouvelles compétences» ? Ils entretiennent ce faisant une illusion, voire l’un des plus gros mensonges d’État !

Alors, parce que j’en ai assez d’un tel déni, j’ai décidé en effet de dire les choses sans détour et de fournir cette fois des preuves, ce qui m’a poussé à rendre publiques sur Twitter quelques lignes d’une copie que j’étais en train de lire afin que chacun mesure l’ampleur du désastre. Oui, je dis bien désastre : en 25 ans d’enseignement et de participation au jury du baccalauréat, je n’avais jamais lu autant de copies indigentes, car celle dont j’ai publié quelques lignes n’est pas la plus mauvaise copie que j’ai lue et est hélas parfaitement représentative du lot tout entier, comme d’ailleurs d’une grande partie des copies que je lis durant l’année ! Et je n’emploie pas le terme indigent pour qualifier de simples «perles» dont on pourrait en effet sourire, comme le fait de parler de «l’allégorie de la caserne» pour désigner l’allégorie de la caverne par exemple, ou d’écrire «l’aliénisation» à la place de l’aliénation, encore que, dans ce dernier cas, on peut douter que la déformation du mot s’explique par une simple inattention du candidat. Il y a toujours eu des mauvaises, voire très mauvaises copies, mais en même quantité que les bonnes et les excellentes, c’est-à-dire fort peu. Et ce dans des lots qui, il faut le souligner, brassent des candidats en provenance d’établissements fort différents ce qui, soit dit en passant, assure à l’examen du baccalauréat sa forme républicaine, laquelle est vouée à disparaître par l’introduction du contrôle continu à hauteur de 40% qui, inévitablement, va faire passer l’équité aux oubliettes en même temps que l’anonymat, et transformer un examen dont il ne reste plus grand-chose déjà en simple brevet des lycées!

Mais ce qu’on constate de plus en plus fréquemment depuis quelques années, et que je n’avais pour ma part jamais observé dans de telles proportions, ce sont des lots entiers de copies parfaitement indigentes à tout point de vue, dont il est difficile de distinguer la forme du fond parce qu’elles sont écrites en un charabia qui emprunte vaguement au français comme à une langue étrangère. Il est à vrai dire quasiment impossible de noter de telles copies car, pour être en mesure de les évaluer, il faut non seulement relire plusieurs fois chaque phrase afin d’en comprendre le sens mais, faute d’y parvenir dans la plupart des cas, on doit finalement deviner l’intention de l’auteur, de sorte qu’on en vient à évaluer le plus souvent une copie que l’on a soi-même entièrement reconstruite, ce qui certes permet de ne pas lui mettre deux ou trois sur vingt, comme on est tenté de le faire à première lecture ! Cependant, lorsqu’on doit effectuer une telle gymnastique sur non pas cinq ni dix mais une bonne centaine de copies, on se dit en effet que quelque chose ne va pas, que quelque chose ne va plus du tout, et l’on éprouve une profonde tristesse pour ces jeunes gens qui sont parvenus jusqu’en terminale dans un tel état, ainsi qu’une immense colère envers les responsables d’un tel massacre.

L’ampleur des fautes d’orthographe choque au premier abord, puis viennent les défaillances en termes de structure logique dans la pensée. Qu’est-ce qui est le plus préoccupant ?

Il est vrai qu’on se focalise parfois sur l’orthographe tant son extravagance est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. En vérité, il y a faute et faute. Faire une faute d’accord, oublier une double consonne, mal accentuer ou ne pas accentuer tel ou tel mot, voilà ce qu’on avait coutume d’appeler et de considérer comme des fautes d’orthographe et franchement, si les fautes commises n’étaient que de ce genre, et le fussent-elles à raison d’une ou deux par lignes, je dirais encore que c’est là un moindre mal que la remise à l’honneur de la dictée quotidienne pourrait juguler en quelques années.

Hélas ! Les «fautes» constatées désormais ne méritent même plus d’être appelées ainsi : lorsqu’on écrit dans l’en-tête de la copie d’examen «bac à l’oréat», lorsqu’en recopiant le sujet choisi on écrit «le travaille divise-t-il les hommes?», lorsqu’on parle de «supsence» pour dire substance, qu’on évoque «l’hostérité», il est assez clair qu’on fait face alors à ce que je qualifie de quasi-illettrisme et dont les causes sont parfaitement connues, tant la littérature concernant ce sujet est abondante et de nombreuses alertes ont été lancées depuis au moins vingt ans par différents collectifs et associations de professeurs, sans effet cependant sur une administration confite dans le déni et complice de ce délitement. Ces élèves, qui ne sont pas spécialement issus de milieux défavorisés comme on dit, et contrairement à ce que d’aucuns aimeraient croire pour atténuer un peu la profondeur du mal, ont effectué toute leur scolarité en accumulant des difficultés qui, année après année, sont devenues de considérables lacunes.

Et au fondement de toutes leurs difficultés, parce qu’il s’agit de l’instrument permettant d’acquérir toutes les autres connaissances, et qu’il s’agit surtout de l’instrument permettant de penser, c’est d’un défaut manifeste dans l’acquisition du langage que ces copies témoignent, défaut dont l’école n’est d’ailleurs pas forcément la seule cause - il y a assurément une énorme responsabilité à cet état de fait dans la muflerie pédagogiste qui a contaminé des pans entiers de l’institution et imposé des normes insensées mais auxquelles tout professeur digne de ce nom n’est pas tenu de se soumettre - car on hérite désormais d’élèves qui détruisent leurs propres capacités en passant plusieurs heures par jour les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone, aux aguets de notifications et autres gratifications qui finissent par les rendre, ainsi d’ailleurs que bon nombre d’adultes, débiles étymologiquement parlant (voir cet article). Oui, la langue étant la condition de la pensée, la pauvreté du vocabulaire, mais aussi une syntaxe plus qu’approximative et des solécismes généralisés rendent impossible toute réflexion, ou du moins la compromettent à un tel point que celle-ci se limite à des réflexes conditionnés, des associations d’idées déversées dans un chaos impressionnant, un bavardage d’une confusion extrême où il est en réalité difficile de deviner la trace d’une quelconque pensée.

Est-il normal de trouver, chez des élèves de terminale du lycée général, je le précise, environ 60% de copies dont les phrases sont proches du non-sens, à l’instar de celle-ci : «ce qui différencient les hommes des animaux, est que quant aux hommes, les animaux répetent les mêmes actions par nature, ils sont nés tels que la nature leur ait instruit .» Ou celles-ci : «Dans le travail, il faut un réalisateur et un éxécuteur. En effet, un ouvrier, celui qui réalise, est perçu comme un outil face à son patron, l’éxécuteur. Par conséquence, l’ouvrier n’a donc pas un pouvoir physique et intellectuel, ni de contrainte, et répète les mêmes actions comme les animaux, donc mène à une déshumanisation. Cela a donc pour cause l’isolation.»

Comment remédier à ces lacunes profondes chez certains élèves? Qui doit-on charger des réformes?

À mon niveau, j’oublie le programme et m’efforce de redresser ce qui peut encore l’être. J’entends parfois des collègues dire qu’ils voient bien les difficultés de leurs élèves, mais qu’ils ne sont pas là pour rattraper ce qui n’a pas été fait, et qu’ils ont un programme à traiter… Grave erreur, car une fois «traité» le programme, ces élèves en réalité n’ont rien appris. Il ne s’agit donc plus d’enseigner, mais de faire de la remédiation. 

Mais on ne peut pas continuer ainsi, c’est évident. Et on ne peut pas traiter un mal qu’on refuse d’admettre, un mal que toutes les mesures prises jusqu’à présent n’ont eu pour effet que d’aggraver. La première chose à faire serait sans doute de mettre fin à l’hypocrisie et de délivrer les politiques éducatives des dogmes et des postures idéologiques, qu’elles soient de droite ou de gauche, pour revenir au simple bon sens. Je trouve insensé par exemple que, pour plaire à leur électorat, des élus qui n’y connaissent rien décident d’inonder les établissements scolaires en tablettes, alors qu’ils laissent des bâtiments en déplorable état. Que chacun fasse son métier !

Je trouve insensé que des parents d’élèves, par le truchement d’associations exerçant un véritable lobbying sur la politique éducative de la nation, et alors qu’ils n’y connaissent rien non plus, soient sollicités pour donner leur avis sur les programmes scolaires, le rétablissement du redoublement ou l’organisation de l’enseignement. Que chacun fasse son métier !

Je trouve insensé que des ministres de passage se permettent de chambouler en permanence une institution sans avoir jamais de compte à rendre sur les méfaits que leurs réformes ont causés. 

Pendant de longues décennies, on n’a pas réformé l’école, on l’a au contraire préservée : on s’est contenté de recruter d’excellents maîtres, et on les a laissés faire leur métier. Tous avaient une haute idée de leur fonction, et on sortait de l’école en sachant parfaitement lire et écrire. 

On a voulu permettre au plus grand nombre d’avoir accès à l’instruction, et rien n’est plus beau qu’une telle ambition, sauf qu’on s’y est fort mal pris et que la massification a déclenché un processus de dés-institution de l’école.

À chaque nouveau ministre, les professeurs se demandent dorénavant à quelle sauce ils vont être mangés, de quelles nouvelles lubies ils vont être accablés, quelle nouvelle désorganisation ils vont devoir subir, à quelle nouvelle aggravation ils vont devoir résister. Évidemment, pour reconstruire l’école, il faut prendre un certain nombre de décisions qui, en vérité, relèvent du bon sens. 

Par exemple, et de façon non exhaustive : 
- remettre l’instruction au cœur du système ; 
- rétablir une discipline élémentaire sans laquelle on n’apprend rien ; 
- conditionner le passage dans la classe supérieure à l’acquisition du niveau permettant d’en tirer profit ; 
- ne pas charger les professeurs d’autre chose que d’enseigner ; 
- cesser de faire de l’obtention du baccalauréat un objectif coûte que coûte en imposant à des élèves qui n’ont pas forcément de goût pour les études de suivre des enseignements qui ne les intéressent pas; 
- ne pas faire de la prolongation, aussi indéfinie qu’improbable, des études le moyen de dissimuler la progression constante d’un chômage de masse et la multiplication d’emplois précaires et sous-qualifiés auxquels ne peut désormais que prétendre une partie importante de cette génération mal instruite. 

Oui bien sûr, il faut porter le plus grand nombre au plus haut niveau d’instruction auquel chacun est capable d’accéder, et s’en donner les moyens. Ils ne sont pas exclusivement financiers. La première condition est d’en avoir l’ambition sans se payer de mots. Si une telle ambition est sincère, on le saura, et les choses se feront d’elles-mêmes. Mais l’instruction est-elle toujours la fin qu’on assigne à l’école ?

http://www.lefigaro.fr/vox/societe/baccalaureat-quand-l-illettrisme-s-invite-dans-les-copies-20190704

1 commentaire:

  1. Et bien moi, vos bacheliers, je les ai corrigé en concours administratif, BAC requis, en gros entre 2005 et 2015, et vous voulez que je vous dise : c'était hallucinant.
    Finalement pour me conformer aux barèmes, je mettais la moyenne, quelque soit l'orthographe, même phonétique, pour un semblant de raisonnement construit et cohérent me laissant à penser que derrière l'absence de toutes connaissances élémentaires, sommeillait tout de même un cerveau ?
    Un jour, j'ai mis Zéro car cela dépassait l'entendement. On m'a proposé de mettre tout de même 1, j'ai refusé, j'ai du faire un rapport. Je l'ai fait le rapport, et j'ai mis Zéro, car à un moment il faut dire Stop !
    Remarquez qu'en Licence, cela volait pas forcément beaucoup plus haut.
    Assez curieusement, à un niveau plus bas, on pouvait avoir des titulaires de CAP ou de BEP, ayant travaillé jeunes, revenant par des filières d'équivalence (acquis de l'expérience) qui pouvaient être bien meilleurs que des bacheliers.
    Les diplômes n'ont, à mon sens, plus aucune valeur, dans leur grande majorité, sauf bien sûr filières très sélectives à concours.
    J'ai fini par avoir une grande admiration pour le modèle de l'école 42 en informatique. Tout le monde peut se présenter sans conditions de diplôme (logique puisque cela n'a plus de sens), mais il y a une sélection impitoyable avec tout de même un mois d'épreuves. Un modèle à creuser ?

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