Marie Ravaudet, L'Âge de raison (cours de morale à l'usage des petits).
Ouvrage présenté par Lisa Dexburry :
Mes chers Collègues,
Quelques-uns d'entre vous,
connaissant mon livre : « Courage » qui s'adresse aux maîtres d'écoles à
classe unique m'ont demandé de composer l'équivalent pour les maîtres des Cours
préparatoire et élémentaire.
Je m'y suis risquée quoique
ce soit beaucoup plus difficile.
Le but de l'éducation morale
est, tout d'abord, de donner des habitudes : toutes les leçons du monde, à
n'importe quel âge, seraient tout à fait vaines si le maître n'exerçait une surveillance
attentive sur le comportement de ses élèves. Dans les petites classes surtout,
il se fait plus de besogne éducative dans la cour de récréation que durant le
quart d'heure journalier de causerie morale.
Pourtant, cette leçon
régulière est indispensable aussi. Il ne suffit pas d'empêcher matériellement
une mauvaise action ou même, l'action commise, d'en dégoûter l'élève par des sanctions
judicieuses. Il faut créer chez l'enfant, même tout jeune, une vie morale, c'est-à-dire un champ de
réflexion et l'habitude de lier l'action à la pensée. Cela ne peut se faire que
par la parole du maître au cours de causeries méthodiques.
D'ailleurs, les enfants ne
détestent pas qu'on leur parle sérieusement ; ils s'en trouvent flattés, avec
juste raison.
Dans mon livre unique,
j'exposais une doctrine morale, indispensable, je crois, aux élèves qui
quittent nos écoles à quatorze ans et ne recevront plus d'éducation
systématique. Il faut que ces enfants emportent de chez nous non seulement
l'habitude de vivre bien, mais « de solides raisons de vivre bien ». Pour des
enfants au-dessous de neuf ans, rien de tel ne presse. Les notions abstraites
de bien, de mal, de conscience, de devoir gagneront à être présentées un peu
plus tard ; elles ne frapperaient guère des esprits si jeunes et les enfants se
trouveraient blasés sur les mots avant d'en avoir pénétré le sens.
Mes causeries n'ont donc rien
de théorique, mais il doit tout de même s'en dégager des principes qui
seront aisément rappelés dans les petites leçons d'occasion, au courant de la
vie scolaire et qui, plus tard, trouveront leur place dans un corps de
doctrine. C'est pourquoi j'ai groupé mes petites causeries de telle sorte que
l'effet de chacune soit prolongé et renforcé par la suivante, qu'il se
fasse dans l'esprit des enfants une continuité d'impressions, un enchaînement
d'idées, un tissu d'exemples dont se formera justement ce « champ moral » nécessaire
à l'éclosion de pensées claires et de sentiments efficaces.
J'ai donné la première place
à la politesse. La politesse est le premier effort que puisse faire un jeune
enfant pour sortir de l'égoïsme naturel. Les actes de politesse sont les plus faciles
à obtenir et, les obtenant, on éveille à la fois l'attention et le courage,
bases de tout effort moral.
J'ai fait appel ensuite à la
générosité, puis, en tout dernier lieu, à l'esprit de justice. La générosité
est plus large que la justice, et semblerait devoir en être l'épanouissement.
En réalité, la générosité est plus spontanée et cause des satisfactions plus
sensibles. Les plus jeunes enfants aiment à faire plaisir et sont capables
de petits sacrifices alors que, même adulte, on arrive difficilement à mettre
son semblable sur le même pied que soi ! Et puis, la notion de justice est plus
abstraite que celle de bonté et les actes de justice sont le plus souvent
pénibles et sans grâce : ils consistent surtout à se corriger de ses défauts,
ce qui, d'emblée, ne séduit personne !... Il faut qu'un jeune cœur soit déjà
pénétré de bienveillance avant qu'on le dispose à prendre en considération le
droit d'autrui.
Je crois avoir respecté dans mon plan l'ordre
naturel de la croissance morale, ce qui ne m'a pas empêchée de suivre d'aussi
près que possible l'ordre des programmes officiels.
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Je ne vous présente pas
autant de leçons qu'il y a de jours scolaires dans l'année. Certes, il me
serait agréable de commencer chaque jour la leçon par une petite histoire dont
le commentaire meublerait juste le reste du quart d'heure. Je l'ai essayé, mais
j'ai constaté que pour réussir un découpage du temps aussi rigoureux, il me
fallait sacrifier justement cette cohésion de l'enseignement à laquelle je
tiens avant tout. Je me suis contentée d'amorcer par une anecdote ou un
conte chaque série de commentaires, série qui peut occuper plusieurs jours.
Cette historiette, je l'ai trouvée le plus souvent dans mes souvenirs
d'institutrice. Je n'ai pas cru devoir employer du papier pour reproduire
des contes que vous trouverez facilement : vous connaissez tous les contes ou
récits de Grimm, du Chanoine Schmid, de Mme Pape-Carpantier, d'Andersen, de Mme
Colomb, de P.-J. Stahl, de Jean Macé, de Maurice Bouchor, etc..., etc... Quand
l'histoire appropriée m'a fait défaut, je m'en suis passée et j'ai attaqué mon sujet
par un discours direct : il ne faut pas se cramponner à un procédé, même bon,
quand il devient artificiel.
Les commentaires qui
accompagnent les lectures s'adressent quelquefois au Cours élémentaire plutôt
qu'au Cours préparatoire. Chaque maître les adaptera à son auditoire.
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D'ailleurs, je n'ai pas la
prétention de vous présenter des leçons modèles ; tout simplement, parce que je
sais qu'entre collègues, on aime à se communiquer ses expériences, je vous
présente celles-ci comme je vous les présenterais si nous causions ensemble et
que vous me racontiez les vôtres ; vous en prendrez et vous en laisserez ce que
bon vous semblera.
Tel sujet qui, dans mon
esprit, peut remplir une semaine ou plus, vous le réduirez à une seule leçon ;
tel autre que j'ai traité court, vous l'enrichirez de tout ce que vous suggéreront
votre expérience et celle de vos élèves.
Les exercices pratiques et
les réflexions des enfants tiendront certainement plus de place dans vos
leçons que mes commentaires et, souvent, les remplaceront. Je ne vous
offre pas un travail tout fait, mais seulement des éléments pour la
préparation de votre classe. Puisse ma collaboration vous être de quelque
utilité !
Bonjour, pouvions-nous trouver ce genre de cours de morale et de cartes affichées dans les classes au XIXème siècle? Si oui, auriez-vous un lien?
RépondreSupprimermerci
RépondreSupprimerMadame, monsieur, merci pour ce site, qui représente un travail titanesque, et est une véritable mine. Il manque cependant à ce document (l'âge de raison) la page 88. Vous serait-il possible de me l'envoyer à l'adresse suivante ? : "coursdelannonciation@gmail.com". Je vous en remercie beaucoup d'avance.
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