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lundi 30 décembre 2013

5. Contre la sclérose des techniques Freinet




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livre passé à l'ocr (état brut)

V
Contre la sclérose
des techniques Freinet
Nous ne sommes pas, on le sait, des fanatiques du tout ou rien. Nous ne pensons pas qu'on doive soit pra­tiquer intégralement nos techniques soit continuer les mé­thodes traditionnelles.
Seuls, les théoriciens pourraient avoir une position aussi absolue; dans la pratique de nos classes, nous som­mes tous, même à l'Ecole Freinet, loin de l'idéal entrevu. La vie a ses exigences, il nous faut bien souvent parer à ces exigences et trouver pour des situations exception­nelles, des solutions hors séries que nous tâcherons d'adap­ter au mieux de nos besoins et de nos difficultés.
Si, par suite de la surcharge des classes, nous ne pou­vons imprimer tous les jours, nous n'aurons notre texte libre qu'une ou deux fois par semaine. Si, par manque de matériel adéquat, il nous est techniquement impossible d'aborder en histoire les réalisations qui rendraient con­crètes et intelligibles les questions étudiées, nous aurons peut-être encore recours aux manuels et à leurs résumés. Nous procédons en cela exactement comme la ménagère qui, à défaut de machine à laver, fait sa lessive à la main, et qui, faute de « butagaz » ou de cuisinière élec­trique, allume encore un feu de bois ou de charbon. Elle ne peut pas se payer le luxe de dire : ou la machine à laver ou le linge sale; le « butagaz » ou pas de cuisine. Nous ne pouvons pas davantage décider : ou les Techniques Frei­net ou aucune nourriture pédagogique.
Mais cela peut conduire à deux situations également dangereuses : celle de la cuisinière qui, par crainte de la nouveauté et par peur du changement, est contre la ma­chine à laver et le « butagaz » et qui s'acharne à justifier théoriquement son entêtement ; et celle de la personne qui attend que la mécanique soit parfaite et la méthode définitivement au point pour s'engager dans le mouvement.
Il y a une troisième solution, qui n'est pas non plus
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sans danger, celle du moyen terme. « La machine à laver est encore trop chère et trop délicate à manoeuvrer pour nos ménagères. Nous allons leur trouver une solution à leur mesure, entre les deux extrêmes. Nous mettrons au point une méthode à nous, moins réactionnaire que les méthodes traditionnelles, moins excessive que les solu­tions d'avant-garde et qui n'en sera pas moins un progrès. »
C'est la situation des éducateurs qui tentent d'adop­ter le texte libre comme moyen terme, et les fichiers auto­correctifs comme outils majeurs. Nous y voyons quelques risques sérieux.
Nous admettons très bien qu'un instituteur, étant donné les conditions défectueuses de son travail, s'en tienne à un texte libre par semaine et qu'il ait recours encore à l'aide des manuels. Nous l'admettons, dis-je, s'il a cons­cience que ce ne sont là que des pis-aller regrettables et s'il lutte avec nous pour conquérir les moyens de s'in­tégrer plus activement dans notre mouvement.
Nous ne serions plus d'accord avec lui s'il estimait que sa solution de demi-mesure peut s'inscrire parmi les conquêtes définitives de la pédagogie. Il s'égarerait et nous égarerait. Il serait de notre devoir de réagir contre ces erreurs et de montrer avec obstination le chemin de la libération, même si nous n'y avancions qu'à un rythme bien lent, avec, parfois, des pauses et des reculs regrettables.
C'est la solution « ni chèvre-ni chou » que nous redou­tons, car elle n'est pas étayée par de solides expériences, mais faite simplement de petites recettes. « Toutes les mé­thodes ont du bon, », « toutes les tendances sont regretta­bles », disent à l'envi les partisans de dangereuses com­promissions n'aboutissant qu'à des solutions hybrides, et sans sève génératrice.
Il ne s'agit pas ici de tendances, mais de principes fondamentaux. Nous avons à choisir, les jeunes ont à choisir entre la scolastique et la vie. Il ne faut pas leur laisser croire que les solutions se valent l'une et l'autre et que ce n'est, en somme, qu'affaire de tempérament. Notre pratique, étendue aujourd'hui à des dizaines de mil­liers d'écoles, nous montre avec évidence la primauté de certaines solutions que nous devons recommander, la noci­vité d'autres pratiques que nous devons condamner, même si nous y sommes parfois accidentellement contraints. Le progrès pédagogique est à ce prix.
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La 'scolastique a déjà sclérosé la méthode Decroly. Nous lutterons pour que cette même scolastique ne dépouille point nos techniques de l'enthousiasmante pro­messe de vie qu'elles contiennent et sans laquelle il ne saurait y voir, d'Ecole moderne efficace et humaine.
Dans de nombreuses classes, les essais recommandés ne seront qu'un fragile rayon de soleil dans la brume de la scolastique. Mais nous veillerons à ce qu'ils soient un vrai rayon de soleil, une ouverture même timide sur une pédago­gie dont nous ne cesserons de montrer la primauté et le succès.
Il n'y a pas de péril à s'engager provisoirement dans des chemins détournés ou même des impasses, à condition que nous sachions qu'ils nous mèneront à la clairière attendue. Ce qui est grave, c'est de prendre des impasses pour les voies royales, car on est condamné alors à tourner en rond dans la forêt, ce qui vaut à qui­conque y est condamné la plus triste des désespérances.
1*
Puissent ces explications, ces exemples et ces conseils encourager les lecteurs à s'engager à leur tour dans la recherche théorique et pratique d'une pédagogie moderne qui permettra de former en l'enfant l'homme de demain, ouvrier actif et conscient d'une société de progrès, de liberté et de paix.

1.M.E. 25-Baume-les-Dames - Dépôt légal Mai 1982 - NI° A. Colin 8330 - 10e édition •

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